
Hier dimanche, comme par un heureux hasard, je suis tombé sur l’extrait d’une vidéo dont je voudrais me faire le devoir de vous résumer expressément le contenu.
Il s’agit en réalité de l’intervention d’un ministre, secrétaire général du palais de la présidence d’un pays francophone d’Afrique de l’ouest. Il a décidé, en certaines circonstances, de parler de son Président devant un parterre de public dominé en avant-plan par le Président de la République lui-même ainsi que son épouse assise à sa droite.
Alors il dit: ” Excellence Monsieur le Président de la République, permettez-moi de vous dire combien je me sens privilégié de compter parmi vos collaborateurs les plus proches. A vos côtés, je me rends compte de comment il est difficile de gouverner un pays comme le nôtre. Avec vous, j’ai eu le privilège de participer à des rencontres avec les plus hautes personnalités de ce monde, à huis clos.
J’ai eu le temps d’observer tout le respect et la considération que ces personnes ont pour vous.
Excellence Monsieur le Président, j’ai été témoin des coups de fils que certaines hautes personnalités de ce monde vous ont passés juste pour recueillir votre avis sur un projet de nomination de certaines personnes à une institution internationale ou sur un sujet d’un autre ordre qui ne concerne même pas l’Afrique.
J’ai été témoin des hommages que les plus hautes personnalités de ce monde vous rendent. Partout où vous arrivez, vous laissez tout le monde parler, une fois que vous prenez la parole, vous faites la synthèse et donnez des solutions idoines, et puis c’est fini, plus personne ne dit encore mot.
Du coup, il m’est arrivé, à maintes reprises, de me demander, si c’est vraiment moi qui suis autant privilégié de compter parmi les plus proches collaborateurs d’une si grande personnalité à qui tout le monde voue respect n’importe où il passe.
Voilà pourquoi, Excellence, je suis étonné de voir des gens ici au pays, qui ne représentent pratiquement rien, dire de n’importe quoi vous concernant. Je me dis simplement qu’ils ne savent pas celui à qui ils ont réellement à faire.
Excellence Monsieur le Président, vous êtes une chance, une vraie chance pour notre pays….”. Permettez-moi de vous épargner du reste des dithyrambes.
Voilà donc une personnalité d’un certain rang social qui prend la parole en public et décide, pendant des minutes entières, de ne faire que l’éloge de son Président sans pour autant passer un message particulier qui puisse inspirer l’assistance ainsi rassemblée.
La seule chose qu’il trouve à dire est de montrer que son cher Excellence est une chance que la providence, dans sa généreuse bienveillance, a donnée à un pays entier.
En clair, si un jour, un tel personnage vient à quitter le pouvoir, ce sera la fin du monde, un naufrage certain pour ce pays. En tout, il le met au coeur du monde lui-même, il est l’étoile qui éclaire l’humanité et sans laquelle, cette humanité risque de sombrer dans les ténèbres.
Ce qui est fascinant, c’est que le Président lui-même, assis à côté, en est heureux, flatté, parfaitement enchanté et y croit. Il sourit et sussure de petits mots de joie à sa chère épouse. Mais ce n’est pas tout.
La vérité, c’est qu’au bout de quelques mois ce cadre, chante du culte de la personnalité du Président, a été porté au poste de Premier Ministre. Alors la question est de savoir s’il l’a été du fait de sa compétence ou de la mielleuse bouche dont il fait preuve aux côtés de son chef?
Serait-il possible, dans de telles circonstances, qu’un personnage aussi sensible aux mots flatteurs, puisse un jour renoncer à ce fauteuil, qu’il confond littéralement à un bien personnel ?
A vrai dire, nous avons des problèmes en Afrique, de vrais problèmes dont la résolution n’est pas pour demain, car la perception que des gens ont du pouvoir est telle qu’il nous faudrait encore beaucoup d’années pour la défaire et leur faire comprendre qu’il s’agit en réalité, d’un piédestal qui doit exclusivement servir à servir le peuple et non à se servir soi-même ou encore à se flatter l’ego.
Luc Abaki